Iconoclash - An exhibition at ZKM 2002
Iconoclash- fabrication et destruction des images en science, en religion et en art 2002
www.iconoclash.de
read Introductory Essay to the catalogue [anglais]
Présentation sur Iconoclash [CCA Kitakyushu 2002 - anglais]
Une exposition internationale mi-août 2002 ZKM Karlsruhe RFA et un livre publié, pour l'occasion, par ZKM &MIT Press (mai 2002) sous la direction de Bruno Latour & Peter Weibel. Pourquoi icono-clash et pas -clasm ?
L'iconoclasme détruit une image, une icône, une représentation. Devant ce geste on ne peut que se réjouir ou s'indigner. Dans un icono-clash -néologisme inventé pour la cause- on ne sait pas ce qui s'est passé, le plaisir et la fureur se trouvent suspendus ; leur font place le doute, l'inquiétude et l'incertitude sur ce qui se passe vraiment quand on veut produire ou détruire des représentations.
Quand et où ?
C'est une exposition internationale qui ouvrira le 3 mai 2002, pour au moins trois mois, au centre pour l'art et les médias (ZKM) de la ville capitale du Bad-Wurtemberg, Karlsruhe, à une demi heure de Strasbourg. Elle est dirigée par Peter Weibel, animée par Bruno Latour et menée à bien par les équipes du ZKM dirigées par Sabine Himmelbach et Gregor Jansen .
Conçue par qui ?
Un groupe de commissaires appartenant à des disciplines et des pays divers a été rassemblé par Bruno Latour pour imaginer une visualisation originale de ce sujet ambitieux. Il s'agit de Peter Galison (USA); Dario Gamboni (Suisse et Hollande); Joseph Koerner (USA et Angleterre) ; Adam Lowe (Angleterre ); Hans Ulrich Obrist (Suisse et France). Un réseau très large de spécialistes et d'artistes a été mobilisé, dont Marie-José Mondszain, Luc et Christian Boltanski, Hans Belting, Boris Groys, Heather Stoddard, Denis Laborde, etc.
Quel est le but ?
Le but de l'exposition est de mesurer à nouveau la confiance et la méfiance que nous avons dans les images et, plus largement dans les procédures de représentation, en confrontant systématiquement les pratiques de construction et de bris d'images en science, en religion et en art.
L'histoire occidentale a été obsédée depuis toujours par cette alternative impossible : " Si seulement nous pouvions nous passer de toute représentation ; nous ne pouvons pas nous passer de représentation ". D'où une frénésie particulière et une passion à la fois pour et contre les images qui a pour effet une fécondité sans égale.
D'Abraham aux Talibans, de Galilée à Einstein, de Piero à Duchamp, cette obsession pour et contre les images s'est manifestée de mille façons contradictoires que ce soit en science par le refus de l'intuition au bénéfice du formalisme, en religion par les violentes querelles iconoclastes, en art moderne et contemporain par la dispute, incessamment rejouée, pour et contre la représentation et ses multiples avatars.
En comparant ces obsessions dans trois domaines dont les productions sont rarement rassemblées en un même lieu, l'exposition vise à transformer l'iconoclasme d'une ressource indiscutable en un sujet de discussion, voire de méditation. Plus largement, elle vise à remettre en question les évidences de l'esprit critique et à suspendre, pour un temps, le geste iconoclaste. Quand le bras du critique frappe les faux-semblants, les croyances, les intuitions, quoi d'autre se trouve détruit ? Quand on a frappé les idoles, qu'est-ce qui s'est trouvé détruit par erreur ?
Comment se distingue-t-elle d'autres expositions ?
Il y a déjà eu quelques excellentes expositions sur l'histoire de l'iconoclasme en art ancien et en théologie, d'innombrables expositions iconoclastes contre les différentes formes d'art et de représentation, et de nombreux efforts pour montrer le lien entre art et sciences. Mais jamais on n'a montré dans le même espace les nombreux " clashes " entre toutes ces formes de pratique, les interférences qu'elles forment entre elles, les transformations qu'elles peuvent faire subir à la notion même de représentation et de médiation.
Pourquoi inclure les sciences ?
Parce que les sciences produisent aujourd'hui les plus puissantes représentations de la réalité et qu'elles n'apparaissent justement pas comme des images, bien que, elles aussi, reposent sur une fabuleuse productions d'inscriptions et d'instruments de toute sortes. La confiance qu'on a dans les sciences et dans la cascade de médiations graphiques nécessaires à l'objectivité, permet de comprendre d'autres pratiques de fabrications d'images.
Pouquoi inclure les images religieuses ?
Parce que jusqu'à nos jours, partout dans le monde, ce sont les images sacrées, sous toutes leurs formes, qui entraînent les plus grandes passions, qu'elles soient destructrices ou protectrices. C'est encore aujourd'hui, à propos des images religieuses que se mesurent le mieux ce que nous chérissons, haïssons, protégeons, méprisons.
Pourquoi inclure l'art moderne et contemporain ?
Parce que jamais une expérience n'a été menée de façon plus systématique sur tous les éléments de la fabrique des images et, plus généralement des représentations, pour en critiquer, détruire, trier les éléments depuis la surface peinte elle-même jusqu'à la notion d'auteur en passant par le musée, le marché de l'art, la fonction critique elle-même.
Pourquoi ne pas inclure la politique ?
Parce qu'elle se trouve partout distribuée dans l'exposition et que la confiance ou la méfiance envers les représentations politiques dépendent crucialement de la conception positive ou négative qu'on se fait des images et de leur fabrication.
Ce que n'est pas Iconoclash
Ce n'est pas une exposition iconoclaste, comme il y en a déjà eu tant, mais une exposition sur, à propos, voire contre l'iconoclasme. Toutefois, il ne s'agit pas de renverser encore une autre idole, de détruire une image de plus, d'exposer le vide d'une représentation. Mais au contraire, de faire un arrêt sur image, pour se demander collectivement, ce qui peut bien animer la fureur iconoclaste.
Ce n'est pas une exposition critique, mais une présentation de la critique comme pratique étrange, mystérieuse, inquiétante et, peut-être, datée.
Ce n'est pas une exposition d'art bien qu'elle inclut beaucoup d'Ïuvres d'art moderne et contemporain. Le but est plutôt de s'interroger sur une histoire de l'art alternative. Que s'est-il vraiment passé dans cette expérience fabuleuse de production et de destructions d'images ?
Ce n'est pas une exposition sur les liens esthétiques entre les sciences et les arts, mais une exploration des raisons qui rendent les Ïuvres savantes objectives et assurées.
Ce n'est pas non plus un exploratorium scientifique à but pédagogique bien que l'on trouve dans cette expositions quelques uns des plus beaux mécanismes de production de certitude savante.
Enfin, malgré l'ambition et l'originalité, il ne s'agit pas d'un parcours encyclopédique sur toutes les questions de l'iconoclasme. Ont été choisi seulement quelques icono-clashes particulièrement frappants visuellement et affectivement qui vont du Tibet aux laboratoires du CERN, des architectures d'Isosaki aux retables protestants de la vallée du Rhin, des installations de Boltanski aux peintures de Manuel Franquelo, des Ïuvres de Cranach aux statues de Staline.
Comment ?
Sur 3000m2, dans l'espace rénové d'une ancienne usine de munitions, un immense cabinet de curiosité a été monté en mêlant des Ïuvres venues aussi bien des laboratoires, des églises et des temples que des ateliers et des musées.
Aux iconoclashes, une bande son provocante est ajoutée qui explore la " cacophonie " conçue par Denis Laborde, équivalents auditifs des nombreuses querelles sur l'image. A chaque fois, que ce soit par le son, le film, la peinture, l'installation ou l'archive, le visiteur est invité à occuper les trois positions divergentes : il doit pouvoir être repris par la fureur iconoclaste contre des représentations qui le scandalise ; il doit pouvoir entendre à nouveau la plainte de ceux dont les images chéries se trouvent rompues ; enfin, il doit pouvoir s'interroger sur les mille raisons qui font des images une telle source de passion.
Où cela mène-t-il ?
Le but de l'exposition est d'aller au delà de la querelle des images en science, religion et art. De montrer par l'interférence de ces trois domaines, de ces trois régimes de confiance et de méfiance, que d'autres questions se posent à propos des images objectives, pieuses ou critiques ; que la question de leur destruction, dépassement, conservation n'est pas forcément la plus intéressante ; que l'impossible contradiction (" si seulement on pouvait se passer de représentation/on ne peut pas se passer de représentation ") n'est pas la seule position possible ; qu'il existe d'autres manières d'approcher la nécessité des médiations en art, en politique, en science et en religion. Le but de l'exposition n'est pas de proposer un message, mais d'ouvrir un espace où le bris des images et leurs fabrications soient de nouveau interrogés. Permettre aux visiteurs de ressentir le clash des images.