Gaia Global Circus
Gaia Global Circus
C'est un projet théatral commencé en 2010 par un groupe de chercheurs et d'artistes et qui a engendré plusieurs produits distincts:
Une pièce "Cosmocolosse" écrite par Bruno Latour vec Chloé Latour & Frédérique Ait-Touatti à partir des travaux du groupe de travail, pièce donnée en allemand (traduction de Margit Rosen) à la radio bavaroise le 9 décembre 2013 et en Français à France Culture le 14 11 2016.
Une deuxième pièce "Gaia Global Circus" écrite par Pierre Daubigny à partir des travaux du même groupe, qui a été jouée à Toulouse fin septembre 2013 dans le cadre du festival Novela, à Reims fin Novembre 2013 dans le cadre du festival Reims Scène d'Europe, avant une tournée en France et à l'étranger à Karlsruhe, Neuchatel, Londres, New York, Calgary. Quelques images de la représentation.
Comment vous, philosophe, avez-vous eu l’idée de faire appel au théâtre ?
J’ai exploré dans Politiques de la Nature et l’exposition Making Things Public le décalage entre l’importance de ce qui est en jeu et le répertoire étroit d’émotions et de sensations avec lesquelles nous essayons de saisir ces questions. D’où l’idée que sur scène on pourrait explorer toutes ces dissonances avec un medium plus ancien et plus flexible que la philosophie. Pour moi, seul le théâtre peut permettre d’explorer la gamme des passions correspondant aux enjeux politiques contemporains. Si les questions écologiques par leur ampleur, leur ubiquité, leur durée, sont au sens propre irreprésentables, alors c’est aux œuvres d’art (qui sont toujours aussi des œuvres de pensée) d’essayer de les présenter à nouveau aux sens.
Le théâtre est-il pour vous un moyen de "mise à l'épreuve" d'une théorie?
Non, ce n'est pas du théâtre à thèse ou pédagogique, c'est plutôt pratiquer grâce à la scène ce qu'on appelle en science une ''expérience de pensée'' qui pousse ce que l'état des techniques, des théories ou des habitudes ne permet pas encore de résoudre. Cela permet d'avancer de nouvelles hypothèses, et évidemment, c'est là toute la force du théâtre, cette expérience de pensée se fait en public et pas seulement dans la tête.
Quel est le lien entre le théâtre et le travail que vous menez depuis longtemps sur la description des preuves scientifiques et des controverses ?
J’ai beaucoup travaillé autour de ce que j’ai appelé « le théâtre de la preuve » : comprendre comment une preuve devient convaincante aux yeux des témoins, non pas pour mettre en cause la qualité de la preuve, mais pour montrer ce qui pousse les scientifiques à élaborer des preuves efficaces. Je me suis ensuite intéressé au processus inverse : comment la scène pourrait aider des scientifiques, en particulier les climatologues, à suivre tous les fils de ce qui rend une preuve convaincante – question cruciale au moment où les climatosceptiques ont une telle influence sur l’opinion.
Comment ce projet s’inscrit-il dans votre recherche d’une nouvelle éloquence, et dans votre effort pour développer les arts politiques ?
Tout cela est très lié puisque l’absorption par la conscience publique de Gaïa (pour utiliser ce terme controversé comme emblème) suppose une rhétorique et une esthétique nouvelles et très différentes. Il est clair, quand on voit la dernière pièce de Marthaler, + ou - 0, ou Melancholia de Lars Von Trier, que tous les grands artistes travaillent autour de ces thèmes. Je voudrais simplement connecter l’écologie politique avec cette énergie venue des arts.
Pourquoi avoir choisi Gaia comme thème ?
Parce que le réchauffement global – l’événement le plus important qui vient vers nous selon les climatologues et les écologistes – est aussi le symptôme de l'irruption de ce nouveau personnage controversé, qu'on appelle Gaia. Si l'histoire présente est celle de la rencontre avec ce personnage nouveau, comment est-il possible que nous restions si calmes et lents à changer nos modes de vie ? C’est cette dissonance qui me fascine.