Que la bataille se livre du moins à armes égales
Postface à Edwin Zaccai, François Gemenne et Jean-Michel Decroly Controverses Climatiques, Sciences et Politiques,
Paris, Presses de Sciences Po.
Il y avait déjà eu la question de la cigarette et de ses liens avec le cancer. On avait déjà assisté de la part des fabricants et de leurs « experts » à une entreprise de désinformation si habile et si insistante qu’il a fallu pour la suivre inventer le terme paradoxal de « science de l’ignorance volontairement induite » ou agnatologie. Il ne s’agit plus en effet d’ajouter à un sujet qui commence à troubler le public une information contraire astucieusement montée, comme on l’a fait depuis toujours par les voies de la propagande, mais de remonter en amont de la controverse, là où les savoirs positifs commencent à s’élaborer, afin d’empêcher qu’ils se closent. L’astuce de cette forme nouvelle de propagande, c’est qu’elle peut passer pour le simple prolongement de toutes les grands vertus épistémologiques dont les savants aiment à se recommander : la culture du scepticisme et du doute radical, la nécessité de refaire les expériences jusqu’à ce qu’on ait obtenu un consensus complet, la distance hautaine d’avec les enjeux du politique, l’attention méticuleuse aux détails des protocoles expérimentaux, l’appel aux grandes figures persécutées de l’histoire des sciences, en particulier Galilée dont l’invocation dans ce contexte ne peut que faire rire les historiens.