Un entretien dans Philosophie Magazine sur la crise climatique avec Sven Ortoli
Publié dans un Hors série de Philosophie magazine sur la crise climatique en juillet réalisé par Sven Ortoli
La nature, dans un sens très large, peut désigner l’ensemble de l’univers, de la matière depuis le bigbang. On ne peut rien faire avec un concept si massif. Gaïa, au contraire, n’engage pas l’ensemble du cosmos, mais seulement les quelques kilomètres entre la frontière extérieure de l’atmosphère et les couches du sol qui ont été transformées par l’action de la vie. Gaïa, en somme, c’est la vie et l’environnement propice à la vie – l’air, les sols, etc. - tel qu’il a été transformé, ingénierie par les vivants depuis les premières bactéries. Elle ne s’étend ni au delà de notre atmosphère, ni, en dessous, jusqu’au manteau qui n’a jamais été affecté par l’action de la vie. Cette fine couche, c’est ce que j’appelle, aussi, la « zone critique » - un terme plus neutre que Gaïa, lequel suscite toujours de multiples controverses. La zone critique localise l’idée de nature : nous sommes dans Gaïa, et personne n’a jamais eu d’autre expérience. Gaïa est un terme ad hoc pour un être unique. D’autres formes de vie sur d’autres planètes ne seraient pas Gaïa. Cette idée permet de surmonter, d’une part, l’incapacité des biologistes à s’intéresser aux conditions d’existences modifiées par les vivants, et d’autre part, à l’incapacité des géologues à considérer les vivants comme modificateurs de leur environnement. C’est en fait une extension massive de la notion de niche.